
Fiona Ottaviani souligne l’usage pathologique des indicateurs et la frénésie de vouloir tout quantifier dans son article de The Conversation. Elle préconise la mise en place d’indicateurs avant tout opérationnels.
À l’échelle des territoires, le débat autour du développement territorial fait écho à la montée en puissance de nouveaux besoins en termes d’observation sociale et d’évaluation. Une telle réflexion se nourrit également des travaux menés à différentes échelles pour promouvoir le bien-être, repenser la richesse et concevoir une organisation socio-économique plus respectueuse des êtres humains et de l’environnement. Elle amène à s’interroger, dans le sillage du rapport Stiglitz-Sen ou de la loi récente d’Éva Sas, sur les indicateurs à construire pour « compter ce qui compte ».
La démesure de la mesure
L’émergence à l’échelle locale de nouveaux besoins d’informations s’explique par de nombreux facteurs : le développement de la contractualisation des politiques publiques, leur évaluation, les recompositions du champ de l’action publique (métropolisation, loi Notre, décentralisation, etc.) et les transformations de l’organisation actuelle du système statistique public (big data, open data, etc.).
L’accentuation de la gestion par les instruments quantifiés, la course à la performance et l’engouement pour des pratiques d’évaluation expérimentale dans la sphère publique constituent les marqueurs d’une montée en charge d’un mode de gouvernement technocratique, déconnecté d’une définition collective des finalités du développement.
Dans le contexte d’une inflation des données chiffrées et d’un recentrage des activités sur certaines prérogatives, il importe de souligner la normalisation des comportements et la perte de sens associé à un usage « pathologique » des indicateurs. Prendre du recul sur ces réalités comptables s’avère nécessaire pour mettre au jour leurs effets de rétroaction sur les comportements des acteurs. Si les indicateurs constituent bien des outils de coordination et d’appréhension de phénomènes particuliers, cet attrait du chiffre n’est en effet pas sans danger et participe à une forme de naturalisation des phénomènes sociaux.
Face à la montée en puissance d’une « démesure de la mesure », nous soulignons la charge normative associée à de telles constructions. Outils de preuve et de connaissance, certes, les indicateurs sont considérés comme des gages de vérité scientifique et d’objectivité. Outils de pouvoir et de contrôle également, ils ne font pas que refléter le monde, mais influent sur les comportements, sur les croyances et sur la régulation des organisations publiques comme privées.
Si les indicateurs ne sont pas des reflets fidèles du monde, mais le transforment, changer notre monde peut-il alors passer par un changement d’indicateurs ?
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