
On parle de fair-play ou d’esprit sportif mais qu’en est-il du fair-play financier ? Alors que les montants des transferts des joueurs atteignent des records. Luc Meunier et François Lebeault Desmoulins dressent un état des lieux dans une tribune publiée dans TheConversation
Chaque année, les transferts records de footballeurs défrayent la chronique lors du mercato estival. Il semble que 2016 ne fera pas exception à la règle, notamment grâce au transfert du Français Paul Pogba à Manchester United pour la bagatelle de 105 millions d’euros, soit le transfert le plus élevé de l’histoire du football.
Dans ce cadre, on aurait tôt fait d’oublier la réglementation sur le fair-play financier (FPF) en vigueur depuis la saison 2012/13, dont l’un des objectifs est la diminution du montant des transferts et des indemnités versées aux joueurs.
Viser la santé des clubs à long terme
Plus généralement, les objectifs du fair-play financier visent une gestion financière avec une vision à plus long terme des clubs de footballs européens, afin d’améliorer leur santé financière. Une telle réglementation semblait en effet nécessaire : en 2011 les pertes agrégées des plus grands clubs européens s’élevaient à 1.7 milliard d’euros et les auditeurs financiers d’un club sur sept émettaient des réserves quant à la continuité d’exploitation de celui-ci.
Pour atteindre cet objectif d’un mode de gestion plus sain des clubs de football, l’UEFA a établi un règlement se basant sur des principes comptables.
L’idée principale de la régulation est celle de « l’équilibre financier » : les clubs doivent générer suffisamment de recettes pour couvrir leurs charges, incluant l’amortissement des frais de transferts de joueurs. Ils doivent également respecter les délais de règlements vis-à-vis de leurs créanciers (autres clubs, organismes fiscaux, salariés…). Les « investissements responsables dans l’intérêt à long terme du football » (équipements, stade, centres de formation…) sont, de leur côté, encouragés.
Une réglementation très discutée
Cette réglementation avait passionné les médias et les revues spécialisées lors de sa mise en place, et avait été fortement critiquée. En effet, du fait de cette nécessité d’équilibre financier, l’investissement « à perte » sur plusieurs années n’est pas autorisé. Cette forme de restriction à l’investissement avait été associée à une potentielle « ossification de la compétition ».
En empêchant de jeunes clubs ambitieux d’investir fortement sur quelques années pour challenger les champions en titre, la hiérarchie serait alors devenue immuable, les clubs déjà en place dominant complètement la compétition. De plus, il avait été souligné que le fair-play financier pouvait contrevenir à la loi Européenne anti-cartel, dans la mesure où il pouvait effectivement être considéré comme une restriction à l’investissement.
Cependant, depuis ce début sous les feux des projecteurs, le fair-play financier a été quelque peu oublié par les médias, notamment à la suite de son prétendu « allègement » de l’année dernière (allègement qui avait en fait impacté uniquement les annexes du règlement) et après la levée des sanctions concernant l’emblématique PSG.
Certains étaient même allés jusqu’à le considérer comme une vaste blague et à le déclarer mort et enterré.
Mais qu’en est-il réellement ?
Après quatre saisons, le bilan
Si le fair-play financier est une blague, c’en est une qui n’aura probablement pas amusé les 53 clubs mis à l’amende pour un total de plus de 211 millions d’euros (cf. carte). Sur cette carte, on remarquera qu’une grande partie des clubs sanctionnés sont des clubs d’Europe de l’Est.
Cependant, ce ne sont pas les pays d’Europe de l’Est qui détiennent le record en termes de montants de sanctions. En effet, la palme revient… À la France ! Du fait des amendes de 60 millions d’euros et de 13 millions d’euros infligées respectivement au PSG et à Monaco, le championnat français maintient sa première place depuis deux ans en tête du montant des sanctions totales liées au fair-play financier.
Il y a en réalité une corrélation très forte entre taille du club et montant de la sanction. C’est pourquoi même si le nombre de sanctions est élevé en Turquie ou en Roumanie, ce sont finalement de plus petits montants qui sont en jeux. Il est également à noter qu’en règle générale, les deux tiers du montant de l’amende totale sont récupérables par le club sanctionné en cas de bon comportement.
Rappelons-nous maintenant qu’au-delà des amendes, l’objectif principal du fair-play financier est globalement l’amélioration de la santé financière des clubs européens. Et à ce niveau, il semblerait que les efforts de l’UEFA aient porté leurs fruits. Les pertes agrégées des plus grands clubs européens qui s’élevaient à 1.7 milliard d’euros en 2011 avant l’instauration de la régulation n’étaient en 2014 « plus que » de 486 millions.
Du côté de la diminution du montant des indemnités versées aux joueurs, le bilan reste relativement positif. Les indemnités versées aux joueurs n’ont augmenté que d’un raisonnable 3 % en 2014, nettement en dessous des 10.5 % de moyenne sur les 20 dernières années. Le montant des transferts en 2014 était quant à lui de 6.7 milliards d’euros, soit 19 % de plus qu’en 2011.
Si l’on s’en réfère donc directement aux objectifs fixés par l’UEFA pour le fair-play financier, le bilan de ces quatre premières saisons est positif. Mais qu’en est-il des critiques qui avaient été formulées à ses débuts ?