You are here

Les actionnaires exigent-il vraiment 15 % de rentabilité ?

Published on
05 February 2021

Comment expliquer la diffusion en France du mythe des 15 %, l’idée que les actionnaires attendent 15 % de ROE de leurs investissements? Analyse par Christophe Bonnet, Professeur Senior, Grenoble Ecole de Management et Michel M. Albouy Professeur émérite, Université Grenoble Alpes.

Une petite musique revient souvent dans les médias : « les actionnaires exigent 15 % de rentabilité de leurs investissements, c’est beaucoup trop, il faut que cela cesse ». L’affirmation que les actionnaires exigeraient systématiquement un tel niveau de rentabilité est très surprenante pour les enseignants-chercheurs en finance mais curieusement, à notre connaissance, l’origine de cette croyance n’a jamais fait l’objet d’un examen par la communauté académique. C’est ce que nous avons entrepris dans un article récemment paru dans la revue Finance Contrôle Stratégie.

Poser la question des objectifs des actionnaires est tout à fait légitime, en particulier dans une période où les enjeux environnementaux sont cruciaux, car les entreprises ont un rôle essentiel à jouer pour répondre à ces derniers. Mais apporter une réponse fausse à une bonne question a rarement fait progresser la science et la société. Dans notre article nous montrons tout d’abord que cette supposée exigence de 15 % de ROE (return on equity) n’existe pas. Elle est contraire à la théorie financière et n’est pas confirmée par les observations empiriques concernant les attentes des actionnaires.

Puis nous tentons d’expliquer le succès de cette fausse croyance. Par une analyse de la presse économique, nous montrons comment le mythe des 15 % s’est diffusé en France depuis les années 1990 sous l’influence de leaders d’opinion et avec le soutien de médias influents. Nous expliquons le succès de ce mythe par le contexte économique et institutionnel des années 1990 (libéralisation des marchés financiers et entrée d’investisseurs institutionnels étrangers), la présence d’un terreau favorable en France (faibles compétences en économie et finance, hostilité à l’économie de marché), et certains biais cognitifs. Nous contribuons à la compréhension des mythes financiers en développant un modèle d’analyse et en montrant que leur diffusion dépend de conditions historiques et culturelles spécifiques.

Cette analyse est tirée de l'article de Christophe Bonnet et Michel M. Albouy, « Le ROE de 15% : un mythe financier français ? », Finance Contrôle Stratégie [En ligne], 23-4 | 2020.

Christophe Bonnet est professeur à Grenoble Ecole de Management.
Ses principaux thèmes d'enseignement et de recherche sont la finance entrepreneuriale, le capital-investissement, la gouvernance d'entreprise et les mythes financiers.
Il est ingénieur agronome, MBA (HEC Paris), titulaire d'un doctorat en sciences de gestion (Université de Bourgogne) et habilité à diriger des recherches. Il a été contrôleur financier chez Roussel-Uclaf (maintenant partie de Sanofi), et directeur d'investissement chez Permira (capital développement et LBO).
Il est business angel et membre du conseil stratégique de plusieurs jeunes entreprises innovantes.
Il a publié de nombreux articles académiques et deux livres : "Finance entrepreneuriale : financer la création et la croissance de l'entreprise innovante" (Economica) et "OPA, OPE et LBO" (avec Michel Albouy, Economica).

On the same subject