
Développer ses compétences émotionnelles dans les relations intra et inter-entreprises, améliore l’efficacité et la prise de décisions. Dans un contexte d’accélération technologique, mais aussi de responsabilité sociétale des entreprises, la réhabilitation des émotions positives et négatives, au travail, génère de la valeur au sein des organisations.
« Contribuer au développement des compétences émotionnelles des collaborateurs permet aux organisations de devenir plus performantes, et de se doter d'un processus de décisions plus pertinent », soutient Hugues Poissonnier, professeur associé à Grenoble Ecole de Management, où il enseigne le contrôle de gestion et les achats. En outre, cette aptitude s'avère « salutogène » (bonne pour la santé), en prévenant les risques de burn-out. L'idée est de mieux coopérer en interne et avec les partenaires extérieurs, dans le but de nouer des relations porteuses d'innovations et créatrices de valeur durable avec ses clients, ses collaborateurs et ses fournisseurs notamment. »
Accroître les soft-skills, dont les compétences émotionnelles
« Pendant trop longtemps, dans les organisations, l'attitude la plus courante consistait plutôt à « mettre un couvercle » sur ses émotions », rappelle Hugues Poissonnier. Accroître les soft-skills (ou compétences douces), dont les compétences émotionnelles, constitue donc le ressort d'une pacification des relations inter et intra-entreprises, permettant de gagner en clairvoyance, en confiance et en performance durable pour toutes les parties prenantes.
Comment ?
- « Il s'agit tout d'abord d'identifier ses émotions au regard du contexte professionnel vécu, souligne Hugues Poissonnier. L'agacement, la colère, la peur… Les vocables, permettant d'identifier une émotion, sont souvent très réducteurs pour rendre compte de l'intensité et de la justesse d'une émotion.
- Il s'agit ensuite de comprendre si les besoins qui se cachent derrière les émotions sont satisfaits. Ainsi, accueillir une émotion comme la joie, par exemple, permet de percevoir au quotidien dans l'entreprise, ce qui est source de joie (ou pas), et de réitérer dans cette voie ! La joie est en effet associée au besoin fondamental de reliance (se sentir relier, en lien avec ses pairs). « Tout ce qui fait joie, fait sens, » a souligné Thomas D'Ansembourg, la voix francophone de la communication non violente (CNV). Mais, souvent, nous n'accordons que trop peu d'attention à la joie… au profit d'émotions s'imposant plus fortement à nous, telles que la peur, la tristesse ou la colère qui ont tendance à envahir notre espace psychique.
- Il s'agit ainsi de réguler ses émotions négatives, afin d'ajuster ses réponses à une réalité donnée, et surtout en accord avec ses valeurs, insiste Hugues Poissonnier. Ainsi, que nous disent la peur et la colère en termes de besoins ? Les émotions désagréables sont nécessaires. Quelqu'un qui ne ressentirait pas la peur – véritable signal d'alarme –, serait en danger de mort. La colère est souvent connectée au besoin de corriger les injustices. Ce n'est pas une émotion très agréable, mais elle est très précieuse pour comprendre un besoin non satisfait (ici un besoin de justice) et agir concrètement pour satisfaire ce besoin. Au-delà, les compétences émotionnelles permettent de comprendre ses interlocuteurs, rappelle Hugues Poissonnier.
- Enfin, l'empathie – la capacité de ressentir les émotions d'autrui –, est une composante clé dans les relations intra et inter-entreprises. « Comprendre l'humain là-dedans, pour comprendre l'humain là-devant », est une autre formule, très juste, de Thomas D'Ansembourg. L'empathie (au sens de se mettre à la place de son fournisseur, par exemple, dans le cas d'un retard de règlement), permettra ainsi de réguler une somme d'émotions a priori négatives, et d'agir en plus grande cohérence avec ses valeurs et ses objectifs : accroître l'esprit collaboratif et la co-innovation par exemple », conclut Hugues Poissonnier.
Développer des compétences émotionnelles en entreprises permettra ainsi de poser les jalons d'une spirale vertueuse, génératrice de valeur, dans une perspective de pacification des relations économiques.
La question de « l'émodiversité » et du « parasitisme émotionnel »
« C'est parce qu'on n'accepte pas d'être à fond triste qu'il n'y a pas de joie plus profonde dans nos vies », a souligné le philosophe humaniste, Alexandre Jollien. Cette citation traduit pleinement l'enjeu de prendre à bras le corps l'intégralité de sa palette émotionnelle, afin d'en tirer parti, y compris dans le champ de l'entreprise. Entretenir l' « émodiversité » consiste à laisser la place à toutes les émotions qui surviennent au cours d'une journée, les identifier et les accepter comme telles », souligne Hugues Poissonnier. Les deux écueils à éviter sont, d'une part, la tentation réflexe de mettre un couvercle sur ses émotions négatives, et d'autre part, de subir « le parasitisme émotionnel », qui consiste à substituer une émotion à une autre », note Hugues Poissonnier.
Voir le programme Développer un management résilient