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Covid-19 : les experts de GEM décryptent l’impact de l’épidémie #5

Published on
21 April 2020

Grenoble Ecole de Management propose un 5ème numéro de ses points de vue d’experts sur les évolutions du monde engendrées par l’épidémie du Covid-19. Au programme cette semaine : confinement & productivité, répétition de l’Histoire, et stratégie des établissements d’enseignement supérieur.

1. Confinement : notre temps doit-il impérativement être rentable ?

« Le MEDEF appelle à mettre les bouchées double pour contrer les effets du confinement. En parallèle, des journalistes et des chercheurs notent la prévalence des discours de la "continuité" (business as usual) et de l'activité (rester actifs, voire "profiter" du confinement pour devenir plus productifs, dans les sphères professionnelles mais aussi personnelles puisqu'il s'agit de se développer sur tous les plans). Mais y a-t-il des limites à ce culte de la productivité paradoxalement exacerbé par la crise du coronavirus ?
Les discours productivistes du « business as usual » semblent en effet en décalage avec la réalité d'une crise sanitaire qui force à faire entrer le travail dans la vie de famille, tout en immobilisant et en coupant les collaborateurs de leurs collectifs professionnels habituels.
En outre, les difficultés rencontrées et le malaise généré par cette entrée brutale du travail dans le « salon », révèlent notamment de manière accrue la question du sens du travail. Quel est aujourd'hui le travail dont on demande d'assurer la continuité et que pourrait être le travail dans l'après ?
Alors que le doute s'immisce face à ces injonctions à rester productifs, quelles perspectives peut-on entrevoir ? Tout temps, toute expérience humaine, doit-elle être « rentable », marchandisable ?
Il peut s'agir aussi de se mettre à la recherche d'autres productivités (utilité sociale, partage du travail de care…) ou encore de reprendre son droit à l'improductivité.
Ce temps peut aussi être l'opportunité de revaloriser les rôle(s) de(s) communauté(s) y compris de façon cruciale en ligne pour se rassurer, s'épauler, trouver des solidarités et des ressources… et ainsi mettre en avant la possibilité de réactualiser le besoin de travailler en lien avec d'autres, et pas seulement en réseau. »
Hélène Picard, experte en innovations managériales et sociales émergentes à Grenoble Ecole de Management

2. Covid-19 : Si seulement la crise était vraiment synonyme de changement.

« Nombreux sont les experts qui s'expriment sur la façon dont nous pourrions améliorer le monde après la pandémie de Covid-19 et la crise économique qui en résulte. Leurs intentions sont tout à fait louables et compréhensibles, presque indispensable pour garder espoir face à un tel choc. Mais les idées de véganisme massif et de développement durable avec un système de santé de qualité et accessible à tous basé sur un capitalisme plus attentionné semblent un peu idéaliste. Tout cela n'arrivera pas d'un seul coup.
Replongeons-nous dans l'Histoire : certaines grandes crises ont effectivement entrainé des changements fondamentaux et durables dans les relations internationales. La 2nde Guerre Mondial par exemple a mené à la création des états providences en Europe. Mais d'autres grandes crises n'ont pas abouti à de telles transformations et ont fait place à un retour à la « normale » comme si rien ne s'était passé. Peu de choses ont changé dans les systèmes bancaires depuis la crise financière de 2008 comme l'explique Virginie Monvoisin. Lépidémie de grippe espagnole de 1918-19 a été suivie par les « années rugissantes », (les « roaring 20s ») soit un retour à la vie telle qu'elle était avant 1914 : un capitalisme totalement inégalitaire et ornée de bling-bling étrangement familier.
Quel chemin sera le nôtre? Soyons réalistes. Des changements radicaux dans notre système socio-économique et notre mode de vie sont nécessaires. Nous le savons. Mais lorsque le confinement et la crise seront derrière nous, nous devrons faire preuve d'une détermniation et d'un engagement politique sans faille de l'ensemble des individus pour y parvenir. Sommes-nous réellement prêts à cela ? »
Patrick O'Sullivan, expert en éthique des affaires à Grenoble Ecole Management

3. Enseignement supérieur : après la réaction à la crise, le temps des réponses durables

« Peu d'entre nous n'avaient imaginé ni l'ampleur de la crise actuelle, ni la vitesse avec laquelle elle s'installerait. Nous avons dû (ré)agir face aux impératifs de santé et de sécurité de nos étudiants et de nos collaborateurs. Nous avons également (ré)agi pour assurer la continuité des programmes et pour adapter les activités au télétravail imposé par le confinement.
Après plusieurs mois de crise, nous passons de la réaction à la nécessité d'apporter une réponse plus durable. En tant qu'école de commerce, nous devons prendre en compte les impacts de cette crise sur notre activité à très long terme. Nos métiers ne pourront pas reprendre comme nous les avons connus auparavant.
J'encourage les leaders d'établissements d'enseignement à se tourner vers leurs stratégies institutionnelles et en particulier, les piliers sur lesquels elles se sont construites – mission, vision et valeurs. Ces éléments définissent notre identité, notre cœur de métier et notre responsabilité envers la société. Ils apportent une vision et un but commun. Ils permettent de définir un état d'esprit, un comportement, et des actions prioritaires.
Dans le même temps, cette crise applique un réel test de résistance à nos stratégies. Or, les piliers et objectifs de celles-ci ont été pensés pour un monde qui ne connaissait pas la crise du Covid-19. Mais demain sera profondément différent. La complexité et l'incertitude inhérentes à la situation actuelle doivent nous pousser à questionner notre rôle et nos actions en tant qu'écoles de commerces, vis-à-vis de nos étudiants, de nos parties prenantes et de la société. Alors que nos stratégies existantes nous aident dans notre réponse à court et à moyen-terme, nous allons être amenés à les faire évoluer pour mieux nous positionner pour survivre, pour prospérer et pour servir sur le long terme. »
Julie Perrin-Halot, Directrice de la planification stratégique à Grenoble Ecole de Management

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